Plan climatFace à des baisses d’émissions trop faibles, le Canton de Vaud presse l’allure
Le premier plan climat vaudois ne suffit pas, montre un audit chiffré. Tous les départements se mobilisent par des mesures sur l’alimentation, l’agriculture, la mobilité ou encore les bâtiments et prévoient d’adapter plusieurs lois.

Le Canton vise une réduction de 50% de ses gaz à effet de serre d’ici 2030, afin d’atteindre le «net zéro» en 2050.
LUCIEN FORTUNATIAlors que le plan climat prévoit une baisse de 50% des gaz à effet de serre d’ici 2030, les mesures actuelles n’atteignent que 8% de réduction. C’est trop peu, admet le Conseil d’Etat vaudois, qui a présenté mercredi une série de nouvelles mesures pour intensifier ce plan, annoncé comme évolutif. Voici les points forts d’un projet à 209 millions de francs sur un total prévu de 1,8 milliard de francs déjà annoncés.
Mobilité
Le transport de marchandises pèse de 6% dans les émissions des Vaudois. Pour les réduire, le Canton encouragera financièrement les entreprises à transporter leurs biens par le rail plutôt que la route, et soutiendra la création de lignes ferroviaires privées, ainsi que l’achat de matériel pour la ligne du MBC, dépendant d’un écartement des voies différent du reste du réseau.
Pour les passagers, les jeunes et les seniors bénéficieront d’une réduction de 50% du prix des abonnements Mobilis 2 zones. Les jeunes, pour les inciter à rester dans les transports publics après avoir eu leur permis; et les seniors, parce qu’ils sont davantage habitués à utiliser leur voiture, et que leur pouvoir d’achat baisse lors du passage à l’AVS, détaille la ministre des Infrastructures Nuria Goritte.
Alimentation
Dans les institutions du Canton ou ailleurs, la restauration collective pèse lourd en carbone, avec par exemple 17% des émissions d’un hôpital moyen. Une stratégie alimentaire sera définie pour réduire le gaspillage, augmenter la part de produits labellisés, et s’en tenir à une consommation de protéines animales «conforme aux recommandations nutritionnelles», indique la ministre de l’Agriculture Valérie Dittli. Si la viande est régulièrement pointée comme un des plus gros leviers potentiels de réduction des gaz à effet de serre, elle n’entend pas s’attaquer à la production indigène «tant qu’on importera de la viande étrangère», détaille-t-elle.
Agriculture et biodiversité
Pas d’alimentation sans agriculture. Valérie Dittli a tiré un bon bilan d’une mesure déjà ouverte qui vise à électrifier les tracteurs et autres machines agricoles. Outre ce plan qui se poursuit, l’objectif est d’accompagner les producteurs dans la réduction de leur dépendance aux ressources externes, notamment fourrages importés (en plantant des fourrages locaux), mais aussi à l’eau et aux intrants (engrais, pesticides, etc). Des mesures d’adaptation aux sécheresses et pluies sont aussi prévues, ainsi que des mesures pour la fertilité des sols. Des projets visant à renaturer ou protéger des biotopes sont aussi sur la table, ainsi qu’une nouvelle gestion des eaux et des sols.
Bâtiments
Deuxième poste d’émission du canton, le chauffage est visé par une nouvelle salve d’investissements pour la rénovation des bâtiments de l’Etat et des particuliers. Le Grand conseil a d’ailleurs validé en décembre l’interdiction des chauffages électriques, très gourmands, d’ici 2033. Les bâtiments de l’Etat continueront à être recouverts de panneaux solaires, et des institutions comme le CHUV se doteront de calculateurs pour trouver les points de réduction possibles de déchets et de consommation d’énergie.
Au niveau du bâti, le Canton tire peu à peu les leçons des débats sur l’utilisation du béton, et dit vouloir réduire sa dépendance au ciment. Il évoque davantage de réutilisation des matériaux de construction, ainsi que l’usage du bois ou de la terre crue, plus durable.
Formation
Défendant l’idée d’une «croissance durable», le département de l’économie soutiendra la transition écologique des entreprises par une sensibilisation, mais aussi par un travail sur l’emploi. Des programmes de formation et d’insertion dans les métiers de la transition énergétique sont prévus.
Lois et procédures
A part des investissements, le gouvernement entend aussi transformer le cadre légal et politique pour favoriser la transition. Plusieurs lois sont ou seront révisées, notamment sur l’énergie, les routes, la durabilité, les déchets et le territoire. Objectif, notamment, alléger les procédures, à l’image de l’installation des pompes à chaleur, désormais libérée de l’obligation de déposer un permis de construire.
«Les mesures fonctionnent, mais ne suffisent pas»
Satisfait d’avoir permis «d’inverser la tendance» des émissions qui continuaient d’augmenter, le gouvernement vaudois ne sort pas encore son plus grand jeu, rappelant que le Plan climat est fait pour évoluer, et ajoutant la nécessité de ménager l’«acceptabilité politique et sociale». Il est toutefois porté par le double oui net aux votations climat cantonale et fédérale du 18 juin. «La bonne nouvelle, c’est que nos mesures ont un effet, s’est réjoui Vassilis Venizelos, ministre de l’Environnement. Mais on sait qu’elles ne suffiront pas, le défi est énorme. On continue à réfléchir. Mais la réussite de cette transition ne dépend pas que de l'Etat, tous les acteurs doivent se mobiliser.» Sur la question de la croissance, il juge comme ses collègues qu’elle n’est pas incompatible avec la durabilité. «Il faut surtout changer notre mode de consommation, le décarboner», estime l’élu Vert.