Turquie: Un juge ordonne l’incarcération du maire d’opposition d’Istanbul

Publié

TurquieLe maire d'Istanbul envoyé en prison pour «corruption»

L’arrestation mercredi d'Ekrem Imamoglu, principal rival du président Erdogan, pour «corruption» et «terrorisme» a déclenché une vague de contestation en Turquie.

Des partisans du maire d'Istanbul manifestent devant le barrage de la police turque contre sa détention dans le cadre d'une enquête pour corruption à Istanbul le 19 mars 2025.

Des partisans du maire d'Istanbul manifestent devant le barrage de la police turque contre sa détention dans le cadre d'une enquête pour corruption à Istanbul le 19 mars 2025.

AFP

Le maire d’opposition d’Istanbul Ekrem Imamoglu a été suspendu de ses fonctions et incarcéré dimanche pour «corruption», quatre jours après son arrestation qui a déclenché une vague de contestation inédite en Turquie depuis douze ans.

L’édile, qui est le principal opposant au président turc Recep Tayyip Erdogan, a été conduit à la prison de Silivri, à l’ouest d’Istanbul, avec plusieurs coaccusés, ont dit son parti et des médias turcs. Le maire, qui dénonce des accusations «immorales et sans fondement» à son encontre, a également été suspendu de ses fonctions dimanche, ont annoncé les autorités. «Le processus judiciaire en cours (...) est une exécution sans procès», a commenté Ekrem Imamoglu dans un message transmis par ses avocats, appelant «la nation à lutter».

Le maire, âgé de 53 ans, avait été amené samedi soir avec 80 de ses coaccusés au tribunal stambouliote de Caglayan, protégé par un très important dispositif policier, avant d’y être entendu à deux reprises dans la nuit. Le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), première force d’opposition à laquelle il appartient, a dénoncé «un coup d’État politique» et appelé à «continuer à se battre».

Primaire maintenue

La justice a ordonné dimanche matin l’incarcération d’autres coaccusés du maire, dont l’un de ses proches conseillers, au moment où s’ouvrait la primaire du CHP devant introniser Ekrem Imamoglu comme son candidat à la prochaine présidentielle. Le parti a décidé de la maintenir de façon symbolique, appelant tous les citoyens à voter, même les non-inscrits. Selon les premiers constats de l’AFP, à Istanbul et à Ankara, la capitale, la foule s’y pressait nombreuse.

Jusque tard, des dizaines de milliers de personnes se sont retrouvées samedi soir devant l’hôtel de ville d’Istanbul, pour le quatrième soir consécutif, à l’appel de l’opposition afin d’y soutenir M. Imamoglu, qui a dénoncé des accusations «immorales et sans fondement» à son encontre.

Pour tenter de prévenir des troubles, le gouvernorat d’Istanbul a prolongé l’interdiction de rassemblements jusqu’à mercredi soir et annoncé des restrictions d’entrée dans la ville aux personnes susceptibles de participer à des rassemblements, sans préciser comment il les mettrait en œuvre.

«Il n’y a plus de justice dans ce pays»

Depuis mercredi, la vague de protestation déclenchée par son arrestation s’est répandue à travers la Turquie, atteignant une ampleur inédite depuis le grand mouvement de contestation de Gezi, en 2013, parti de la place Taksim d’Istanbul.

Des rassemblements ont eu lieu dans au moins 55 des 81 provinces turques, soit plus des deux tiers du pays, selon un décompte effectué samedi par l’AFP. Ces manifestations ont débouché sur des centaines d’arrestations dans au moins neuf villes du pays, selon les autorités.

Des manifestants se sont heurtés samedi à Ankara à la police anti-émeute turque qui a utilisé des gaz lacrymogènes et des canons à eau lors d'une manifestation à la suite de l'arrestation du maire d'Istanbul.

Des manifestants se sont heurtés samedi à Ankara à la police anti-émeute turque qui a utilisé des gaz lacrymogènes et des canons à eau lors d'une manifestation à la suite de l'arrestation du maire d'Istanbul.

AFP

«Les manifestations vont se poursuivre (...) Nous défendrons nos droits jusqu’au bout. La nation est debout et ne pliera pas», a déclaré dimanche matin à l’AFP Ayten Oktay, une pharmacienne de 63 ans interrogée à Istanbul. «Il n’y a plus de justice dans ce pays. Mais notre maire n’est pas seul, nous allons faire de lui notre prochain président», a lancé Cem Hacihametoglu, un Stambouliote de 47 ans.

Paris et Berlin ainsi que les maires de plusieurs grandes villes européennes avaient également condamné dès mercredi l’arrestation de M. Imamoglu. En réponse à la contestation, le président Erdogan, qui a lui-même été maire d’Istanbul dans les années 90, a juré de ne pas céder à la «terreur de la rue».

La bête noire de Recep Tayyip Erdogan

Ekrem Imamoglu, 53 ans, est devenu la bête noire d’Erdogan en ravissant en 2019 la capitale économique du pays au Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) du chef de l’État, qui gardait la main sur Istanbul avec son camp depuis 25 ans.

L’édile d’opposition, triomphalement réélu l’an passé, devait assister initialement dimanche à son investiture en tant que candidat de son parti pour la prochaine présidentielle, prévue en 2028.

(afp)

Ton opinion