EPFL/EPFZDans un bouchon mais pressé? Leur idée: des crédits pour dépasser
Des ingénieurs de Lausanne et Zurich ont imaginé un système qui permettrait d'utiliser une voie rapide en cas d'embouteillage mais seulement en cas de «vraie urgence».

Un système de crédits permettrait de favoriser ceux qui sont vraiment dans l'urgence, selon les ingénieurs.
20min/Marvin AncianUn système qui permettrait de se soustraire aux embouteillages sans discrimination entre riches et pauvres: c'est la trouvaille d'ingénieurs de l'EPFL et de l'EPFZ, dont les contours ont été publiés en septembre. Ils ont imaginé un système de crédits: tout automobiliste recevrait des crédits à utiliser pour pouvoir emprunter une voie rapide en cas de bouchons. Tous ceux qui n'utilisent pas leurs crédits restent sur la ou les voies avec des ralentissements.
Mais pourquoi ce système? «Un mécanisme juste et efficace devrait allouer la capacité de transport en fonction de l'urgence réelle des voyageurs, qui peut varier quotidiennement», estiment les auteurs. Ainsi, si un jour on doit vraiment arriver à l'heure à un rendez-vous, on peut utiliser ses crédits (nommés Karma), alors que si le lendemain on est juste un peu impatient mais sans plus, on garde ses crédits pour un jour où ils seront vraiment utiles.
Des péages urbains inéquitables
Ce qui est important, pour les auteurs, c'est que ces crédits ne doivent pas avoir de valeur commerciale. Ils sont distribués et ceux qui ont été utilisés sont ensuite redistribués équitablement. Aujourd'hui, des agglomérations mettent plutôt en place un système de péages urbains, avec un prix d'accès aux routes plus élevé aux heures de pointe qu'aux heures creuses. «Ceux qui ont un revenu élevé sont prêts à payer le prix fort, tandis que les bas revenus vont choisir de partir plus tard ou plus tôt pour les éviter. Ces systèmes ne sont pas équitables», estime Kenan Zhang, la chercheuse de l'EPFL participant à la recherche.
Avec le système Karma, fini la primauté des riches, on parvient à faire en sorte que la vraie urgence passe avant l'argent. Le système ressemblerait à des sortes d'enchères. Si de nombreux automobilistes veulent la voie rapide en même temps, ceux qui seraient prêts à débourser le plus de crédits auraient la primauté. «Nos résultats sont mathématiquement prouvés et démontrent que nous pouvons réduire aussi bien les bouchons de cette manière qu’avec un système payant. Il est aussi plus égalitaire et respectueux des données personnelles», résume Kenan Zhang.
Reste à définir les modalités d'application réelle. Comment, techniquement, demander sa place sur la voie rapide, et quand, à l'institution qui gérerait le système. Et quid des autoroutes à deux voies. Si on se retrouve derrière un camion sur la voie lente, on rester derrière ad eternam? Pour les auteurs, à ce stade, il s'agit «d'une piste de réflexion concrète destinée aux professionnels de la planification urbaine».

Vous voulez comprendre qui aurait accès à la voie rapide? Il suffit de faire le calcul, comme l'ont fait les chercheurs dans leur étude dont voici un extrait.
Votation sur les bouchons
La publication de l'article n'a pas de lien avec l'actualité chaude qui va animer ces deux prochains mois en Suisse. Le 24 novembre, le peuple votera sur les projets d'extensions autoroutières, dont celui sur le tronçon entre Nyon et Genève. Pour les partisans, pour alléger la charge qui pèse sur les automoblistes, il faut ouvrir de nouvelles voies. Au contraire, pour les opposants, augmenter la capacité ne fera qu'accroitre l'utilisation des autoroutes qui seront à nouveau bouchées à peine quelques années plus tard. En 2023, les Suisses ont passé 48'807 heures dans des bouchons sur les routes nationales.